Le projet PAAJP est un assemblage cohérent de solutions à des problèmes clairement identifiés et ayant des effets négatifs réels sur la jouissance des droits fondamentaux, limitant ainsi l’accès à la justice pénale.

CONTEXTE GENERAL

Depuis le retour à la démocratie en 1990, le Cameroun a connu une avancée considérable dans la consécration des droits et libertés fondamentaux. L’adoption des lois de 1990 sur les Libertés à la session décembre de la même année est venue baliser cet irréversible chemin. Il s’en est suivi un arsenal juridique impressionnant marquant l’entrée du Cameroun à l’ère des libertés et de la démocratie. On aura ainsi la loi  fondamentale, du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution de 1972, de décembre 1999 sur les ONG, celle portant Code de procédure pénale; et pour faciliter l’accès à la justice, celle du 14 avril 2009 portant organisation de l’assistance judiciaire etc. La loi de juillet 2005 portant Code de Procédure Pénale quant à elle était destinée à mieux garantir et protéger les droits des justiciables (droit de la défense) et à améliorer l’accès à la justice pénale. Au plan régional africain, le Cameroun a ratifié la majorité des instruments de protection des droits de l’homme et particulièrement ceux relatifs aux droits civils et politiques et à l’accès à la justice pénale. Au-delà du continent africain, le Cameroun est Etat-partie à la Charte internationale des Droits de l’Homme et surtout la Convention des Nations Unies Contre la torture et autres peines et traitements cruels inhumains ou dégradants. Tous ces instruments tant nationaux qu’internationaux démontrent la volonté manifeste du Cameroun de faire partie du concert des Etats démocratiques.

Pour autant, la réalité est toute autre quant à la jouissance de ces droits et donc à la conformité du Cameroun à ses engagements. L’écart entre la volonté politique affichée à travers cet arrimage aux normes internationales et l’effectivité des droits de l’homme sur le terrain reste assez grand. En effet, le système judiciaire connait encore des problèmes importants et transversaux qui minent le fonctionnement de la justice pénale. Ce sont principalement les lenteurs et pesanteurs de toutes sortes, le coût très élevé de la justice pour le justiciable- renforcé par le poids de la corruption, la difficulté de l’exécution des décisions de justice, le cloisonnement des maillons de la chaîne pénale, le déficit en nombre et en formation des personnels, la pénurie en matériels de travail, l’absence d’informatisation, les abus de pouvoirs et de fonction, les arrestations et détentions arbitraires… C’est dans ce contexte, que le 1er président de la Cour Suprême lors de la Rentrée judiciaire 2017 s’est inquiété de la montée de la justice privée dans laquelle on peut classer la « justice populaire ». Les OSC qui auraient pu jouer un rôle clé dans le suivi des politiques publiques dans le domaine et accompagner les justiciables évoluent malheureusement dans un environnement légal peu propice à leur épanouissement. Elles sont tellement nombreuses, diverses et variées qu’il est plus que difficile de savoir combien elles sont et dans quel secteur exactement elles agissent. Dans ce flou, il existe des OSC qui ont pu se faire un chemin et assument pleinement un rôle de veille dans des domaines spécifiques.

En ce qui concerne la justice pénale, quelques OSCs de défense de droits de l’homme assurent l’assistance juridique et judicaire. Celles-ci œuvrent dès lors soit comme para juristes, soit comme médiateurs dans les conflits. Bien que le cadre légal de protection des droits de l’homme dans la chaine de justice pénale soit insuffisant, le cadre existant n’est pas appliqué. La loi de 2009 suscitée, qui permet à tout justiciable économiquement faible de solliciter et d’obtenir l’assistance judiciaire dès l’introduction de l’instance jusqu’à l’exécution de la décision de justice aurait pu faciliter l’accès à la justice pour les couches vulnérables, mais celle-ci est peu connue et sa mise en œuvre par les magistrats et les autres acteurs de chaine de justice concernés reste très limitée. Il en est de même pour plusieurs dispositions du Code de Procédure Pénale (CPP) et du Code pénal (CP) tel que l’exception de la détention pour le premier et les peines alternatives pour le second qui sont difficilement mises en œuvre par les acteurs de la chaine pénale. La justice pénale au Cameroun met en scène la puissance de l’Etat d’une part,  et la fragilité et le dénuement du justiciable d’autre part; pour s’en convaincre, il suffit de regarder les derniers chiffres dans les prisons. Selon le rapport 2016 du Ministère de la justice sur l’état des droits de l’homme au Cameroun, le Cameroun compte 28.120 détenus dont 15.699 prévenus (plus de la moitié n’ayant pas encore été jugés). Les femmes et mineurs détenus ne sont pas les mieux lotis puisque premièrement aucun texte même réglementaire (même pas les règlements intérieurs de prisons) ne traite de manière spécifique de ces derniers. Sur une population carcérale féminine de 697 en 2016, 431 sont en attente de jugement. Il en est de même pour les mineurs, quoi que le nombre de détenus ait baissé, de 916 en 2012 pour 823 en 2016, seulement 145 ont été jugés, soit 678 mineurs prévenus. Les données désagrégées dans les unités de police judiciaire (Commissariats de police et brigades de gendarmerie) sont plus rares. Mais selon un rapport publié en 2014 par l’Institut National de la Statistique (Rapport sur la situation de référence des indicateurs de la Chaine pénale au Cameroun, INS/UE, 2014), la Police a enregistré 12.462 gardés à vue et la Gendarmerie 18.298 en 2013. De plus, à la base de la négation des droits se trouve souvent l’ignorance de la gravité de l’acte posé et surtout des conséquences/sanctions encourues. Une enquête réalisée par le Centre CEFODEP en 2014 montrait que 72.5% des officiers de police judiciaire n’avaient qu’une faible connaissance de l’arsenal juridique national et international de répression des actes de torture (Rapport Cameroun-Justiciabilité, CEFODEP/FA, 2014).De même, le prétexte de la lutte contre le terrorisme a renforcé, parfois légitimé le recours à la torture et aux mauvais traitements, aux arrestations et détentions arbitraires, à une procédure pénale bâclée (voir rapport Amnesty International 2015 et 2016), à l’inversement de la charge de la preuve, etc. Les chiffres et la situation sont très préoccupants pour justifier notre intérêt pour la justice pénale car la persistance de tous ces blocages renforce le sentiment d’insécurité, renforce le manque de confiance des usagers envers la justice.  Tous ces éléments  fragilisent l’Etat.

Les problèmes abordés par l’action et leur interrelation à tous les niveaux

Le projet PAAJP est un assemblage cohérent de solutions à des problèmes clairement identifiés et ayant des effets négatifs réels sur la jouissance des droits fondamentaux, limitant ainsi l’accès à la justice pénale.

1er axe: bien que le Cameroun soit un bon élève dans l’adhésion et la ratification des instruments régionaux et internationaux de protection des droits de l’homme, il est par contre moins bon quand il s’agit de se conformer à ses engagements. Cette situation déplorable est renforcée par la difficulté d’accès à l’information de qualité et à des données statistiques fiables qui auraient permis de mettre en évidence cette absence de conformité, donc de non-respect généralisé des droits de la personne dans la procédure pénale. Ces informations et ces données auraient pu être fournies s’il existait un mécanisme de suivi indépendant.

2e axe: les OSC censées jouer le rôle de contrepoids ne disposent pas de capacités institutionnelles suffisantes à même d’asseoir leur légitimité, représentativité et crédibilité face aux pouvoirs publics. Celles-ci sont très peu présentes dans la chaine de justice pénale et ne disposent pas de compétences suffisantes en la matière, en surveillance, documentation et rapportage des violations des DH et en assistance juridique et judiciaire. Dans le même temps, les violations sont légions au point d’atteindre des pics inquiétants en période de crise: arrestation et détention arbitraires, non-respect des délais de garde à vue, recours quasi systématique à l’incarcération, assistance judiciaire insuffisante, torture, mauvais traitements. Ceci est renforcé par le cloisonnement des maillons de la chaine et une faible normalisation des pratiques, et encouragé par l’impunité des auteurs de violations.

3e axe est celui de la surpopulation carcérale avec son impact négatif sur les conditions de détention et les droits des détenus, conséquence de l’ineffectivité des peines alternatives, de la corruption généralisée et de la difficulté des acteurs à appliquer le Code de Procédure Pénale – pierre angulaire de la justice pénale. Ces acteurs eux-mêmes confrontés à un déficit réel de connaissance en droits de l’homme.

4e axe est celui des connaissances très limitées des citoyens de leurs droits et des moyens pour les revendiquer.

OBJECTIFS DE L’ACTION

Objectif global :

Contribuer au renforcement de l’Etat de droit au Cameroun à travers l’amélioration de l’accès à la justice pénale des populations vulnérables.

Objectifs spécifiques:

Amener les décideurs publics à se conformer à leurs engagements sur les droits de femmes et des mineurs privés de liberté.

Promouvoir et renforcer le rôle des OSC dans la chaine de justice pénale.

Impulser un processus concerté et participatif de modernisation de la chaine de procédure pénale.

Favoriser la prise de conscience par les citoyens de leurs droits.

ACTIVITES

Le projet PAAJP s’appuie sur une kyrielle d’activités dont :

  • La réalisation d’une Etude situationnelle sur les engagements régionaux et internationaux du Cameroun en matière de justice pénale et d’effectivité des droits
  • La Mise en place d’un Observatoire de la justice pénale (OJP)
  • L’appui au développement institutionnel des OSC de défense des droits de l’homme
  • La formation de formateurs sur les droits de l’homme dans la justice pénale
  • La formation de Volontaires des Droits de l’Homme (VDH)
  • L’élaboration d’un guide méthodologique d’intervention des OSC
  • La formation des leaders en surveillance, documentation et rapportage des violations (SDR)
  • La mise en place d’un mécanisme concerté d’assistance juridique et judiciaire
  • L’élaboration des rapports périodiques sur les droits de l’homme dans la justice pénale
  • L’organisation débriefings périodiques avec les journalistes sur la situation des droits de l’homme dans la procédure pénale au Cameroun
  • L’organisation d’un colloque national sur les DH dans la chaine de justice pénale
  • Le renforcement des capacités des acteurs de la chaine de procédure pénale sur les droits de l’homme
  • La conduite d’un Plaidoyer sur les peines alternatives
  • La production et la diffusion des outils IEC

RESULTATS

Résultat à long terme

Le projet PAAJP ambitionne à long terme de voir une amélioration considérable de l’accès à la justice pénale des populations vulnérables.

Résultants à court et à moyen terme

Il s’agira pour cela d’amener les décideurs publics à se conformer à leurs engagements sur les droits des femmes et des mineurs privés de liberté. Il s’agit de manière spécifique que les décideurs publics prennent conscience des limites et écarts observés dans la jouissance des droits dans la chaine de justice pénale.

  • La situation et le niveau de conformité du Cameroun sur les droits des femmes et mineurs privés de liberté sont connus
  • La justice pénale est suivie par un mécanisme indépendant / un Observatoire de la justice pénale (OJP) est créé
  • Le rôle des organisations de la société civile (OSC) dans la chaine de justice pénale est promu et elles parviennent à influencer les politiques publiques y relatives
  • Les personnes privées de liberté ont accès à l’assistance juridique et judiciaire
  • La collaboration entre les acteurs de la chaine et les OSC renforcée/ les acteurs sont plus respectueux des DH
  • La confiance entre les citoyens et l’Etat (justice) est restaurée.

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