Au Cameroun, près de 60% des couples vivant ensemble ne sont pas légalement mariés. Ils vivent pour la plupart dans une situation de concubinage traditionnellement appelée “viens on reste” ou “came we stay”. Cette situation rend les femmes extrêmement vulnérables, exposées à des injustices multiples, des violences conjugales et domestiques, et des discriminations perpétuelles. Sans reconnaissance légale, elles sont souvent privées de leurs droits, notamment en cas de décès de leur conjoint ou de séparation. C’est dans ce contexte que la nouvelle loi n°2024/016 du 23 décembre 2024, légalisant les mariages traditionnels et coutumiers, offre une opportunité de réduire les violences basées sur le genre et de promouvoir l’égalité des sexes. Dans cet article, nous allons analyser les contours de cette nouvelle loi et son potentiel à améliorer la situation des femmes au Cameroun.
La vulnérabilité des femmes en union traditionnelle
Les femmes qui vivent en situation de concubinage, même si elles sont traditionnellement mariées, ont toujours été exposées à de nombreuses violences conjugales et domestiques. Elles subissent souvent les infidélités répétées de leur conjoint sans pouvoir se plaindre, car elles n’ont pas accès à la justice et ne peuvent pas demander un divorce légal. De plus, elles sont exposées à des violences conjugales extrêmes, car leur mari pense avoir tous les droits sur elle en raison de l’absence de reconnaissance légale de leur union.
Les femmes dans ces situations sont souvent incapables de porter plainte pour violences domestiques ou conjugales, car il n’y a aucun acte légal qui atteste de leur mariage. Elles acceptent souvent ces situations dans l’espoir d’être un jour légalement mariées. Cependant, en cas de séparation ou de décès de leur conjoint, elles se retrouvent seules et sans rien, car elles n’ont pas de droits légaux sur les biens communs ou sur la succession de leur conjoint.
Après avoir investi de leur temps, de leur argent et de leur énergie dans un mariage qui n’est pas reconnu par l’État, ni par sa famille, les femmes dotées se retrouvent sans voix avec des avantages naturels. Et si elles sont victimes d’un deuxième mariage de leur époux qui épouse légalement une autre femme sans leur consentement, elles se retrouvent donc dans une situation encore plus précaire, sans droits, sans reconnaissance et sans protection.
Cette situation a perduré au Cameroun depuis la nuit des temps et a contribué à perpétuer et accentuer les violences basées sur le genre. La nouvelle loi sur la légalisation des mariages traditionnels est une étape importante vers la réduction des violences basées sur le genre et la promotion de l’égalité des sexes.
La loi n°2024/016 du 23 décembre 2024 : une avancée majeure
Le 23 décembre 2024, l’Assemblée nationale du Cameroun a adopté la loi n°2024/016, qui légalise les mariages coutumiers et les rend égaux aux mariages civils. Cette loi représente une avancée majeure dans la reconnaissance des traditions culturelles africaines et offre une sécurité juridique aux couples qui choisissent de se marier selon les coutumes traditionnelles.
Pour que le mariage coutumier soit légalisé, il doit être déclaré auprès de l’officier d’état civil compétent, qui peut se situer au lieu de naissance, de résidence des époux ou au lieu de célébration du mariage. Une fois la déclaration faite, un délai de 30 jours est accordé pendant lequel aucune opposition ne doit être formulée. Si ce délai expire sans contestation, le mariage est alors transcrit dans le registre d’état civil, avec une mention en marge des actes de mariage ou de naissance des époux concernés. Cette loi permet ainsi de limiter les mariages multiples et offre une protection juridique aux époux, notamment aux femmes qui étaient jusqu’alors vulnérables aux abus et aux violences conjugales.
Impacts potentiels de la nouvelle loi
La nouvelle loi sur la légalisation des mariages traditionnels au Cameroun va avoir des impacts potentiels significatifs sur la réduction des violences basées sur le genre. En effet, cette loi permettra aux femmes qui ont été dotées mais non mariées légalement d’avoir une protection juridique et d’avoir le même titre que les autres femmes légalement mariées.
Cela signifie que les femmes pourront bénéficier d’une reconnaissance légale de leur union, ce qui leur permettra de faire valoir leurs droits en cas de séparation ou de décès de leur conjoint. De plus, les maris ne pourront plus contracter un deuxième mariage sans demander l’avis de leur épouse, ce qui réduira les cas d’infidélités et de violences conjugales.
La loi va également contribuer à réduire les préjugés envers les femmes qui vivent dans des mariages dotés, en leur permettant de jouir du titre de madame et de bénéficier d’une reconnaissance sociale et juridique. Enfin, la nouvelle loi va permettre de réduire les violences domestiques et conjugales, en reconnaissant les droits des femmes et en les protégeant contre les abus.
Conclusion
Il est impératif que chaque femme le sache et que chacune d’elle puisse intenter la procédure de transcription de son mariage coutumier afin d’entrer en possession de tous ses droits légaux en tant qu’épouse.
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Adeline Marie Tsopgni Yemfack