Introduction
Notre attention se porte sur le chapitre 3 de la loi N°2024/016 du 23 décembre 2024 portant organisation du système d’enregistrement des faits d’état civil au Cameroun, intitulé « Établissement des actes d’état civil », et particulièrement sur la section 4, paragraphe 4 « transcription du mariage coutumier », précisément à son article 49 alinéa 1. Ce dernier stipule que « les époux doivent déclarer le mariage coutumier à l’officier d’État civil aux fins de transcription. La déclaration peut être faite à l’officier d’État civil du lieu de naissance ou de résidence des époux, ou du lieu de célébration du mariage coutumier ». Cette disposition soulève la question de la protection et de la défense des droits des femmes et de la jeune fille, un enjeu central dans notre travail sur l’élimination des violences basées sur le genre.
Un rappel historique
Certains considèrent cette loi comme une avancée législative qui sortirait les couples du concubinage et assurerait les droits de la femme soumise au système du mariage traditionnel et qui n’aurait pas pu connaître un mariage civil. Il est important de rappeler que le mariage coutumier n’est pas nouveau au Cameroun, comme en témoignent les dispositions du décret n°69/DF/544 du 19 décembre 1969 fixant l’organisation judiciaire et la procédure devant les juridictions traditionnelles au Cameroun Oriental, et de l’ordonnance n°81/02 du 29 juin 1981 portant organisation de l’état civil et diverses dispositions relatives à l’état des personnes physiques. Cette ordonnance de 1981 consacrait déjà la transcription du mariage coutumier en son article 81 alinéa 1 : « les mariages coutumiers doivent être transcrits dans les registres de l’état civil du lieu de naissance ou de résidence de l’un des époux ».
Les changements apportés par la loi de 2024
La loi de 2024, tout en rappelant la disposition de l’ordonnance de 1981 sur la transcription du mariage coutumier, apporte des changements aux articles 49 et 51. L’article 49 prévoit désormais que l’officier d’état civil peut procéder à la publication de la demande de transcription du mariage coutumier, ce qui permet à toute personne justifiant d’un intérêt légitime de faire opposition dans un délai de trente (30) jours. Le tribunal saisi statue sur l’opposition à la transcription du mariage coutumier, ce qui n’était pas possible avec l’ordonnance de 1981.
L’article 51 prévoit quant à lui que l’ordonnance interdisant ou autorisant la transcription du mariage coutumier peut faire l’objet de recours, à la diligence des futurs époux dans un délai de quinze (15) jours, ce qui n’était pas possible avec l’ordonnance de 1981.
Des points d’inquiétude
Malgré ces avancées, des points d’inquiétude demeurent après une lecture attentive de cette loi, notamment sur les conditions de fond du mariage, à savoir l’âge et le consentement des époux. Contrairement au Code civil camerounais, la loi de 2024 ne détermine pas l’âge minimum acceptable pour contracter un tel mariage et ne précise pas que le consentement des époux doit être requis. Cette imprécision pourrait réduire la possibilité pour l’officier d’état civil de s’assurer que les époux, en particulier la jeune fille, sont réellement en âge de se marier et consentent au mariage.
Un risque de mariages précoces et forcés
Le mariage coutumier étant un mariage contracté selon les coutumes en vigueur dans une population donnée, et compte tenu du contexte socio-culturel marqué par des pratiques culturelles défavorables aux femmes et aux filles, cette imprécision concernant l’âge et le consentement laisserait libre cours à la célébration des mariages d’enfants et des mariages forcés. Ces pratiques, encore récurrentes dans la société, sont des actes de violence faites aux femmes et aux filles, et par conséquent une atteinte à leurs droits.
Conclusion et recommandations
Il est essentiel de souligner que les lois devraient améliorer les conditions de vie des citoyens, et non entretenir le flou sur une question fondamentale comme le mariage. Bien que la loi N°2024/016 du 23 décembre 2024 confère une reconnaissance juridique au mariage coutumier et vise à mettre fin aux abus et à renforcer la protection des droits des femmes, elle reste insuffisante.
Pour garantir une protection efficace des droits des femmes et des filles, il est impératif de :
- Harmoniser les pratiques traditionnelles avec les standards juridiques contemporains en matière d’âge et de consentement au mariage.
- Agir dans le respect des engagements internationaux du Cameroun en matière de droits des femmes.
- Élaborer un cadre juridique spécifique aux droits des femmes et qui traiterait des violences faites aux femmes et aux filles.
- Renforcer la loi du 23 décembre 2024 en y ajoutant des dispositions claires et précises qui protègent les femmes et les filles du mariage des mineurs et du mariage forcé.
La prise en compte de ces recommandations serait une avancée significative pour le respect et la mise en œuvre des droits des femmes au Cameroun.
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Auteure : Lende Hen Rose Hélène Désirée Suzanne