Non à l’attentat au droit à la libre circulation des citoyens camerounais
Contexte
Dans un contexte international et national essentiellement marqué par la forte prégnance de l’interdiction de toutes forme de violations et d’atteintes aux droits fondamentaux de la personne humaine, il est pratiquement inadmissible de cautionner ou encore de laisser passer toute forme d’injustice sous peine de se rendre coupable de l’indifférence ou de l’inaction. C’en est assez de torpiller sans vergogne les droits fondamentaux des nobles citoyens qui aspirent simplement à vivre dignement dans la paix ; c’en est assez de décider au grand mépris des libertés publiques ; c’en est assez de malmener, de mésestimer, d’outrager le peuple camerounais.
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A l’ordre du jour des multiples abus sarcastiques de certains responsables gouvernementaux camerounais, on note en prime l’arrêté N°0001313/A/MINT du Ministre d’Etat, Ministre des Transports, BELLO BOUBA MAIGARI, du 23 juin 2011 portant régulation des horaires de circulation des véhicules de transport public interurbain de personnes. Il s’agit d’un acte administratif unilatéral qui en son article 2 interdit formellement tous les voyages de nuit, sur l’ensemble des axes routiers interurbains au Cameroun en ces termes :
« la circulation des véhicules de transport public interurbain de personnes sur les axes routiers interurbains est limitée à la tranche horaire allant de 5h à 21h ».
Ce qui signifie que les citoyens camerounais exerçant dans le transport interurbain de personnes et leur clientèle ne sont plus admis à voyager en dehors de la tranche horaire comprise entre 5h et 21h sous peine de sanctions.[1] Comment ne pas s’indigner face à une telle mesure administrative qui, manifestement constitue une atteinte grave au droit fondamental des citoyens camerounais de circuler librement. Comment ne pas s’offusquer devant le caractère injuste, inadapté et dangereux d’un tel arrêté ministériel qui vise essentiellement à sacrifier la libre circulation des citoyens à l’autel de la corruption, de l’injustice et du mépris.
En effet, l’arrêté du Ministre d’Etat, Ministre des transports est une mesure attentatoire au droit des citoyens camerounais de circuler librement et ce à plusieurs niveaux d’analyse.
1. Au plan juridique : une atteinte grave au droit interne et au droit international des droits de l’homme en matière de libre circulation des personnes
La Constitution camerounaise du 18 janvier 1996, modifiée par la loi du 22 mars 2008 reconnaît et garantit en son préambule le droit inaliénable et sacré de tout citoyen camerounais « de se fixer en tout lieu et de se déplacer librement sous réserve des prescriptions légales relatives à l’ordre, à la sécurité et à la tranquillité publics ».
Bien plus, il s’agit d’un droit fondamental consacré en droit international d’abord par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 à son article 13 alinéa 1 en ces termes : « toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat » ; et ensuite, par une pléthore d’instruments juridiques dûment ratifiés par l’Etat camerounais dont les plus notables sont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 (article 12)[2] et la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (article 12).[3]
C’est dire plus qu’un droit fondamental, le droit de circuler librement revêt une forte valeur juridique découlant de sa consécration par la norme fondamentale de l’Etat camerounais qu’est la Constitution et de sa consécration par des instruments internationaux dont la valeur juridique n’est plus à démontrer tant sur le plan normatif que sur le plan coutumier. Ainsi, tout citoyen jouit en principe de la prérogative légale de circuler librement au sein de son Etat. Les restrictions n’étant admises que lorsqu’elles sont prévues par la loi relativement à l’ordre, à la sécurité ou à la tranquillité publique.
En l’espèce l’arrêté ministériel en cause porte restriction de la libre circulation des citoyens camerounais entre 21h et 5h sur le motif tiré du souci de garantir la sécurité des voyageurs. En la forme, il s’agit d’un arrêté ministériel et non d’une loi qui porte ainsi atteinte à la libre circulation des citoyens camerounais. Ce qui n’est admis, ni par la loi fondamentale, ni par les instruments internationaux sus mentionnés. Stricto sensu, seule les prescriptions légales ou réglementaires de caractère exceptionnel peuvent prévoir des restrictions limitées aux droits et libertés fondamentales des citoyens.
Sur le fond, la restriction ministérielle porte atteinte à un droit fondamental : le droit de circuler librement qui rentre dans le noyau dur des droits de l’homme et qui par conséquent ne peut admettre des dérogations que lorsque la situation, marqué par un contexte de menace sécuritaire grave, l’exige.
En conséquence au nom de quoi, un arrêté ministériel peut s’attaquer de plein fouet à un droit constitutionnellement garanti ? Au nom de quoi, le Ministre d’Etat, Ministre des transports peut s’arroger le droit de porter atteinte au droit des citoyens camerounais de circuler librement ?
2. Au plan politique : une réponse politique inadaptée au problème de l’insécurité routière au Cameroun
L’arrêté ministériel en cause naît de la volonté gouvernementale de « garantir la sécurité des voyageurs »[4] et, de contribuer à résorber le problème crucial de l’insécurité routière au Cameroun. Seulement, loin de pouvoir justifier cette mesure administrative sur le motif de la garantie de la sécurité des voyageurs et par conséquent, de la sécurité publique, il convient de noter que l’objectif visé ne sera pas atteint et la mesure est inappropriée en l’espèce en raison du fait que le problème de la sécurité routière au Cameroun n’est pas un problème de voyages de nuit, mais bien un véritable problème de la mauvaise qualité des axes routiers interurbains et plus généralement de mauvaise gouvernance.
En effet, il ressort des statistiques produites par la Direction des Transports terrestres du Ministère des Transports que le trafic de nuit représente en réalité 5% du trafic des personnes. Par ailleurs, ledit trafic nocturne n’est visiblement responsable des accidents de la circulation routière sur les axes routiers interurbains qu’à hauteur de 35%. Loin de vouloir minimiser ou simplifier l’impact de ces données, il faut objectivement reconnaître que ce n’est pas l’interdiction des voyages de nuit qui permettra de garantir la sécurité des voyageurs sur nos axes routiers. Il nous semble plus commode, au lieu de chasser les fantômes, que le Gouvernement s’intéresse plutôt au nœud du problème de l’insécurité routière au Cameroun qui n’est rien d’autre que la question cruciale de l’Inexistence au Cameroun de véritables axes lourds d’une part, et du très mauvais état de nos axes routiers interurbains de l’autre. De ce fait, il faut noter que le mépris des citoyens camerounais est porté à son paroxysme lorsque croulant sous le poids des impôts, taxes et exigences financières du péage routier, ils ne sont pas en droit de jouir des routes dignes et satisfaisantes. Faut-il le rappeler, la plupart des accidents survenus sur l’Axe Lourd Yaoundé-Bafoussam, sont plus le fait des « nids de poule » qui jonchent cette route.
En conséquence, au nom de quoi, doit-on s’acharner sur les libertés des nobles citoyens camerounais en leur interdisant de voyager dans la nuit sous la fallacieux prétexte de la garantie de la sécurité des voyageurs ? Au nom de quoi doit-on interdire à un citoyen camerounais d’exercer librement son activité professionnelle dans la nuit au motif qu’il faut préserver la sécurité routière ?
La garantie de la sécurité routière ne passe pas par l’interdiction des voyages de nuit, mais par la construction des axes routiers viables offrant toutes les garanties minimales de sécurité que les citoyens camerounais sont en droit d’attendre. Au lieu de s’acharner sur les nobles citoyens camerounais, le gouvernement camerounais doit prendre ses responsabilités et agir dans l’intérêt général du peuple souverain. Le Budget des ministères des Travaux et des Transports, conjugué aux sommes collectées dans les Péages routiers et dans la Coopération internationale sont largement suffisants pour planifier sur la durée la dotation du Cameroun d’Axes Lourds digne de ce nom.
3. A titre prospectif : une mesure dangereuse pour les libertés individuelles des citoyens camerounais
L’arrêté ministériel en cause, est une mesure dangereuse pour les libertés individuelles des citoyens camerounais car elle peut ouvrir la voie à des violations et abus de toute sorte de la part du gouvernement. Il serait en effet à craindre qu’un ministre d’Etat s’arroge le droit de porter atteinte de manière aussi flagrante et abusive aux libertés individuelles des camerounais sur le prétexte de la sécurité publique.
Il ne s’agit nullement d’être contre les mesures administratives relatives à la sécurité publique, prises dans le cadre du respect strict du cadre juridique consacré, mais de dénoncer tout abus, toute violation des droits et libertés fondamentales des citoyens et de préserver par-dessus tout, la dignité humaine.
En conséquence NDH CAMEROUN, demande au Ministre d’Etat, Ministre des transports de prendre des mesures urgentes, notamment :
– Annuler purement et simplement l’arrêté ministériel du 23 juin 2011 car il constitue une mesure attentatoire au droit des camerounais à la libre circulation ;
– Prendre ses responsabilités en ce qui concerne le problème de la qualité des axes routiers interurbains au Cameroun.
– De garantir une gestion plus saine des revenus du Péage routier afin que ces fonds soient effectivement affectés à l’entretien PERMANENT des routes pour lesquelles l’argent du citoyen est ainsi collecté.
Nouveaux Droits de l’Homme est une Organisation de promotion de droits de l’Homme, créée en 1977 et disposant d’un Statut Consultatif auprès de Nations Unies. Nouveaux Droits de l’Homme Cameroun a été reconnue par les autorités Camerounaises en septembre 1997 et apporte depuis lors son accompagnement au gouvernement dans la mise en œuvre des instruments internationaux et nationaux de promotion et de protection des droits de l’Homme.
[1] Les sanctions applicables aux violations des dispositions de l’arrêté ministériel en cause sont prévues de manière graduelle aux dispositions de l’article 4 de l’arrêté allant de l’immobilisation sur site ou la mise en fourrière au retrait de la licence de transport et des autorisations d’ouverture des terminaux.
[2] L’article 12 du Pacte dispose que : « quiconque se trouve légalement sur le territoire d’un Etat a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence (…) (alinéa3) les droits mentionnées ci-dessus ne peuvent être l’objet de restrictions que si celles-ci sont prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui, et compatibles avec les autres droits reconnus par le présent Pacte »
[3] L’article 12 alinéa 1 de la Charte prévoit que : « toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat, sous réserve de se conformer aux règles édictées par la loi »
[4] Cf. article 3 de l’arrêté ministériel.
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